Cette semaine, je me suis vu propulsé, grâce aux chevaux moteurs du véhicule automobile d’une amie, en des terres lointaines et en un passé qui l’est encore plus. (pour ceux qui suivent, c’est aussi un zeugma!)
J’ai revu mon ancien collège. Ce fut un moment fort troublant. Comme il y a de cela plus de 20 ans, nous partîmes de la gare routière et je mis mes pas dans les miens, avec à la fois satisfaction, excitation, angoisse. Nous approchons, je le vois, toujours aussi immense, un pâté de maison à lui tout seul, ancien couvent aux murs diablement hauts et percés de rares fenêtres qui n’étaient que celles des couloirs et desquelles il était impossible de ne rien voir d’autre que le ciel. Mais, soudain, à mon esprit et à mes yeux s’impose ce que je nomme verrue, une excroissance contemporaine, et je crie: “on a saccagé le collège”! Je me précipite vers la porte d’entrée des élèves. La couleur est passée du vert au bleu, en 20 ans c’est possible. Mais surtout elle est ouverte en entier, ce que jamais je n’avais vu et mon regard embrasse alors la cour, encombrée de pelleteuses, grues, camions et autres tas de gravats. Je m’avance, prudent, terrifié, triste. J’entrevois le passage sous le porche et m’y engouffre. Un ouvrier me hèle “alors on cherche des souvenirs”. J’acquiesse et m’explique, je dois faire preuve d’émotion et c’est de la compassion que je reçois en retour. En premier j’explique ainsi au brave homme la signification d’une plaque de marbre dont il ne comprenait pas le sens et nous voici en conversation. Soudain il me propose de visiter et ne demande en contrepartie que la plus grande prudence. O joie, mon coeur et moi bondissons de la même allégresse et, tel Suétone, je me hâte lentement, festina lente, dans les couloirs et les escaliers, à la recherch de mon passé, du temps perdu qu’il me semble ne plus pouvoir retrouver. Tant de choses sont boulervsées. Je commence par l’aile histoire, si l’escalier est le même, les actuels travaux ont jeté dans le couloir le fonds du musée, gisent ainsi épars: une peau de crocodile, des fossiles, quelques animaux empaillés et déplumés qui me font penser à moi. Leur oeil de verre contemple froidement le désordre et ils semblent perdus dans une longue rêverie désabusée, se tenant coi car ils ne peuvent faire autrement, le coeur pourtant meurtri. Vestiges d’une autre époque on les ignore, existent-ils seulement encore?
Et puis voici le couloir de physique, qui n’en est plus un, remplacé par une passerelle externe en verre qui s’adosse à une façade du plus pur XVIIème, le gymnase est rehaussé de 3 marches et le vieux parquet doit exister encore en dessous, tout comme le plafond abrite des anneaux veufs des cordes auxquelles je grimpais finalement très bien, autrefois.
Me voici dans la cours, même là les transformations sont nombreuses, mais je revois la fenêtre sur l’appuis de laquelle je passais les pauses déjeuner, à contempler de haut la marche de mes contemporains, un tour de tête et me voici confronté à l’horreur, au fait le plus marquant pour moi. Cette cour, immense, toute de goudron, jamais je n’y avais vu un brin d’herbe et voici qu’un arbre, oui, un arbre, dont le tronc fait bien 40 cm de diamètre, est là.
J’aime les arbres, je les idolâtre presque, mais, cet arbre, si haut, si grand, dans cette cour. Me voici donc si vieux, je suis parti, je reviens, un arbre au port altier a eu le temsp d’étendre et ses racines et sa ramure. Un arbre a eu le temps de naître, vivre, croître, abriter des nids dans ses branches, voir des générations de gamins hurlants sous ses frondaisons, il a eu le temps, et moi, durant la même période, qu’ai-je fait?
Abattu par cet arbre, j’entre dans les autres cours. La salles des profs est à la place de l’étude, la gestionnaire à la place de la salle de français, le foyer des internes à la place de la salle de latin etc. Médusé, je suis médusé. J’ai pris près d’une heure, pour me hâter lentement dans le dédale de quelques couloirs. Sur les traces de celui que je fus, à la recherche du temps perdu, je ne sais. Que pouvais-je attendre de cette immersion, qu’en ai-je tiré? Je ne le sais pas plus. Pour l’heure, c’est un terrible sentiment de nostalgie et la certitude que le temps passe encore plus rapidement que je ne le redoute.
je dois donc, je pense, clore par le “cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie” de Ronsard.