Juil
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Classé dans (Littérature) par la Vieille Garde le 24-07-2012

Voilà bien quelque chose qui me va comme un gant.

Ce titre est celui d’un recueil de poèmes de Victor Hugo, que je retrouve pour le moment, et sur lequel, l’âge aidant, je porte un nouveau regard. Il faut dire qu’il y a de sidérantes coïncidences à ne surtout pas manquer de saisir. Ainsi, tout à l’heure, benoîtement assis dans un jardin, je lus: “quoi, le mal est partout! Je regarde une rose et je suis apaisé.” Et c’est vrai! Les fleurs me font cet effet, mais je suis bien convaincu que tout le monde n’est pas si sensible au charme des roses. Que l’on songe cependant à la rose du petit Prince, oh, elle n’était pas facile, cette rose, mais c’est car elle était passionnée! Nous en reparlerons au cours de nos vendredis. Je laissai donc le volume un instant et me pris à songer, tendance Rousseauiste évidente, puis, reprenant la lecture je trouvai  ces vers, sublimes et si vrais,  du poème L’autre.

Viens, mon George. Ah ! les fils de nos fils nous enchantent,
Ce sont de jeunes voix matinales qui chantent. 
Ils sont dans nos logis lugubres le retour 
Des roses, du printemps, de la vie et du jour ! 
Leur rire nous attire une larme aux paupières 
Et de notre vieux seuil fait tressaillir les pierres ; 
De la tombe entr’ouverte et des ans lourds et froids 
Leur regard radieux dissipe les effrois ; 
Ils ramènent notre âme aux premières années ; 
Ils font rouvrir en nous toutes nos fleurs fanées ; 
Nous nous retrouvons doux, naïfs, heureux de rien ; 
Le coeur serein s’emplit d’un vague aérien ; 
En les voyant on croit se voir soi-même éclore ; 
Oui, devenir aïeul, c’est rentrer dans l’aurore. 
Le vieillard gai se mêle aux marmots triomphants. 
Nous nous rapetissons dans les petits enfants. 
Et, calmés, nous voyons s’envoler dans les branches 
Notre âme sombre avec toutes ces âmes blanches.

Emotion intense.

Le recueil dresse en fait le constat que nous faisons tous, que la littérature et le cinéma ne cessent de mettre en avant: il est plus aisé d’être grand-parent, que parent, puisqu’ on est dispensé de l’aspect “autorité” et seul la complicité a droit de citer, enfin, normalement…

Allons plus loin cependant et, pour l’heure, j’ose la comparaison avec le monde de l’enseignement. Avez vous songé, ô lecteurs, que le professeur dans sa salle, surtout si ledit professeur est installé dans l’établissement, a sa salle, et quantité d’autres petites manies que les zélèves se transmettent de génération en génération, est le seul, oui, le seul à vieillir dans ladite salle! La peinture s’écaille, les photographies jaunissent, les cartes sont dépassées, de nouveaux objets apparaissent, supplantant le tableau noir et sa craie centenaire, mais les zélèves, les zélèves, eux, ne changent que par le vêtement et les expressions à la mode, ils sont l’éternelle jeunesse, l’éternelle adolescence en bute au monde des adultes, en révolte face à ses parents et à l’autorité, et, d’année, en année, le pauvre prof, vieillissant, doit faire face. Survient alors le jour où il a l’âge d’être votre grand-père ou grand-mère, il s’en rend compte lors des réunions où les parents disent, “vous vous souvenez, vous m’avez eu en classe!?”

J’ai encore, comme le chantait Reggiani, un peu de temps,  mais de moins en moins avant cela, car cela fait déjà plusieurs années que je me rends à des mariages d’anciens zélèves, que je découvre, au cours de vacances où les nouveaux couplent me reçoivent, à moins que ce ne soit le contraire, des épouses ou des époux, puis des enfants, que ces derniers rentrent à l’école et je mesure alors à quel point le temps passe…

Le plus curieux est bien que, dans au moins deux cas de figure, qui concernent donc 4 élèves, je serais en mesure d’expliquer à leurs enfants comment j’ai vu leurs parents, en seconde, commencer à sortir ensemble, puis rester ensemble …

Avouez donc qu’avec de tels souvenirs en tête, je ne puis  que  faire preuve d’un sentimentalisme béat en lisant ce brave Victor.