Une nouvelle vidéo, très différente de la première diffusée sur ce Torchon : on ne touche plus le pathos en exposant le petit corps sans vie d’un enfant, victime innocente des combats. Mais si les images sont différentes, le thème est le même : ce sont les enfants syriens qui meurent.
http://www.liberation.fr/monde/2013/03/03/2-minutes-pour-la-syrie-le-stop-de-julie-bertuccelli_885911
Les images des jouets abandonnés, jonchant un sol de gravas, m’évoque ce poème, La poupée d’Auschwitz :
Sur un tas de cendre humaine une poupée est assise
C’est l’unique reliquat, l’unique trace de vie
Toute seule elle est assise, orpheline de son enfant
Qui l’aima de toute son âme. Elle est assise
Comme autrefois elle l’était parmi ses jouets
Auprès du litde l’enfant sur une petite table.
Elle reste assise ainsi, sa crinoline défaite,
Avec ses grands yeux tous bleus et ses tresses toutes blondes
Avec des yeux comme en ont toutes les poupées du monde
Qui du haut du tas de cendre ont un regard étonné
Et regardent comme font toutes les poupées du monde
Pourtant tout est différent, leur étonnement différe
De celui qu’ont dans les yeux toutes les poupées du monde
Un étrange étonnement qui n’appartient qu’à eux seuls.
Car les yeux de la poupée sont l’unique paire d’yeux
Qui de tant et tant d’yeux subsite encore en ce lieu,
Le seuls qui aient resurgi de ce tas de cendre humaine,
Seuls sont demeurés des yeux les yeux de cette poupée
Qui nous contemple à présent, vue éteinte sous la cendre,
Et jusqu’à ce qu’il nous soit terriblement difficile
De la regarder dans les yeux
Dans ses mains, il y a peu, l’enfant tenait la poupée,
Dans ses bras, il y a peu, la mère portait l’enfant,
La mère tenait l’enfant comme l’enfant sa poupée,
Et se tenant tous les trois c’est à trois qu’ils succombèrent
Dans une chambre de mort, dans son enfer étouffant.
La mère, l’enfant, la poupée,
La poupée, l’enfant, la mère.
Parce qu’elle était poupée, la poupée eut de la chance.
Quel bonheur d’être poupée et de n’être pas enfant !
Comme elle y était entrée elle est sortie de la chambre,
Mais l’enfant n’était plus là pour la serrer contre lui,
Comme pour serrer l’enfant il n’y avait plus de mère.
alors elle est restée là, juchée sur un tas de cendre,
Et l’on dirait qu’alentour elle scrute et qu’elle cherche
Les mains, les petites mains qui voici peu la tenaient.
De la chambre de la mort la poupée est ressortie
Entière avec sa forme et avec son ossature,
Ressortie avec sa robe et avec ses tresses blondes.
Et avec ses grands yeux bleus qui tout pleins d’étonnement
Nous regardent dans les yeux, nous regardent, nous regardent.
MOSHE SCHULSTEIN
Poème écrit à Auschwitz