Mar
04
Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 04-03-2013

Une nouvelle vidéo, très différente de la première diffusée sur ce Torchon : on ne touche plus le pathos en exposant le petit corps sans vie d’un enfant, victime innocente des combats. Mais si les images sont différentes, le thème est le même : ce sont les enfants syriens qui meurent.

http://www.liberation.fr/monde/2013/03/03/2-minutes-pour-la-syrie-le-stop-de-julie-bertuccelli_885911

Les images des jouets abandonnés, jonchant un sol de gravas, m’évoque ce poème, La poupée d’Auschwitz :

Sur un tas de cendre humaine une poupée est assise

C’est l’unique reliquat, l’unique trace de vie

Toute seule elle est assise, orpheline de son enfant

Qui l’aima de toute son âme. Elle est assise

Comme autrefois elle l’était parmi ses jouets

Auprès du litde l’enfant sur une petite table.

Elle reste assise ainsi, sa crinoline défaite,

Avec ses grands yeux tous bleus et ses tresses toutes blondes

Avec des yeux comme en ont toutes les poupées du monde

Qui du haut du tas de cendre ont un regard étonné

Et regardent comme font toutes les poupées du monde

 

Pourtant tout est différent, leur étonnement différe

De celui qu’ont dans les yeux toutes les poupées du monde

Un étrange étonnement qui n’appartient qu’à eux seuls.

Car les yeux de la poupée sont l’unique paire d’yeux

Qui de tant et tant d’yeux subsite encore en ce lieu,

Le seuls qui aient resurgi de ce tas de cendre humaine,

Seuls sont demeurés des yeux les yeux de cette poupée

Qui nous contemple à présent, vue éteinte sous la cendre,

Et jusqu’à ce qu’il nous soit terriblement difficile

De la regarder dans les yeux

 

Dans ses mains, il y a peu, l’enfant tenait la poupée,

Dans ses bras, il y a peu, la mère portait l’enfant,

La mère tenait l’enfant comme l’enfant sa poupée,

Et se tenant tous les trois c’est à trois qu’ils succombèrent

Dans une chambre de mort, dans son enfer étouffant.

La mère, l’enfant, la poupée,

La poupée, l’enfant, la mère.

Parce qu’elle était poupée, la poupée eut de la chance.

Quel bonheur d’être poupée et de n’être pas enfant !

Comme elle y était entrée elle est sortie de la chambre,

Mais l’enfant n’était plus là pour la serrer contre lui,

Comme pour serrer l’enfant il n’y avait plus de mère.

alors elle est restée là, juchée sur un tas de cendre,

Et l’on dirait qu’alentour elle scrute et qu’elle cherche

Les mains, les petites mains qui voici peu la tenaient.

De la chambre de la mort la poupée est ressortie

Entière avec sa forme et avec son ossature,

Ressortie avec sa robe et avec ses tresses blondes.

Et avec ses grands yeux bleus qui tout pleins d’étonnement

Nous regardent dans les yeux, nous regardent, nous regardent.

 

MOSHE SCHULSTEIN

Poème écrit à Auschwitz