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Classé dans (C'est dangereux, une draisienne) par la Vieille Garde le 31-03-2016

Tout le monde le sait, chez l’aigle de Meaux c’est Madame, chez Molière c’est le petit chat, dans les programmes de l’Education Nationale c’est le latin qui est mort, ou qui se meurt, ou qui agonise, normal, me direz-vous, pour une langue dite morte qui, depuis la chute de l’Empire d’Occident, n’en finit plus de sombrer.

Et pourtant, a priori, ce n’est pas le cas puisque, a minima, nolens volens, tous, nous utilisons quelques locutions latines. Le but ici ne sera donc pas de chercher un quelconque casus belli ou de chercher à revenir, à un statu quo ante bellum, arc bouté que je serais sur un mos maiorum passé depuis bien longtemps ad patres. Ce n’est donc pas ab irato que je lancerai une sorte de de profundis ou entonnerai un requiem pour le latin, d’autant plus que ab imo pectore, je sais que, tous, nous aimons ce vestige linguistique, cette racine qui ab aeterno nous relie, et cela per omnia saecula saeculorum, à notre culture antique.

Cependant, on ne peut dire amen à tout ou bien considérer qu’acta fabula est, même si je n’ose plus espérer de quelque deus ex machina une issue nouvelle à la réforme. Aussi, sans vouloir ameuter les foules et clamer urbi et orbi mon inquiétude, je m’autorise à revenir ab initio, ab ove devrais-je dire pour agréer ce cher Christophe Colomb, ou ab urbe condita, pour flatter l’ego des latinistes et historiens patentés, à l’importance de la maîtrise de quelques rudiments essentiels, nécessaires à la compréhension de pans entiers de notre culture, qui ne peuvent s’acquérir qu’avec un minimum de cours, de vrais cours.

Je poserai cette simple question: peut on imaginer un monde sans latin? Quid alors de la compréhension de tous ces monuments antiques? De tous ces frontons que l‘Urbs offrira à la contemplation des zélèves dans quelques semaines? Certes, le latin demande des efforts, mais, que diable, ad augusta per angusta, à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, n’est il pas? Je ne voudrais pas d’ailleurs être sentencieux ad nauseam mais plus rédiger une sorte de vade mecum ad usum delphini, (non, je ne parle pas de Flipper je tentais une référence historique), et produire un opus ad hoc qui permettrait auxdits zélèves d’assurer leur culture afin de briller et de se trouver lauréats de leurs examens, obtenant ainsi un exeat pour sortir qui du collège, qui du lycée, qui de l’université, peut être même devenir docteur honoris causa, voire causa, un jour pas si lointain. Cela ferait merveille sur leur curriculum vitae et contribuerait grandement à leur cursus honorum.

De facto, il appert que pour atteindre cet objectif, il faut savoir quelques mots de cette langue morte qui ne l’est pas tant. Mais, sur l’agenda de nos vies, une fois de plus, alea jacta est et cette anno domini 2016 pourrait être une annus horribilis pour bien de jeunes esprits qui ne pourront s’ouvrir aux merveilles d’une culture antique, fondement de la nôtre. Moi qui crains de lire aperto libro dans les entrailles des bulletins officiels, craignant une fois de plus que ce soit aut omnia aut nihil, je redoute que ce soit une citation digne des arènes qui doive clore ce modeste laius, et horesco referens, je dis ave caesar, morituri te salutant. Adieu donc, ces comédies de Molière dont on apprenait que leur but était castigat ridendo mores, adieu les cave canem mis sur les portes de quelques atrabilaires misanthropes, adieu le carpe diem du cercle des poètes disparus, adieu la lecture de quo vadis, adieu les écoutes d’un stabat mater dolorosa, adieu Pascal et son cogito ergo sum, adieu nos soucis d’egoet caetera tout cela ad vitam aeternam? Je ne peux m’y résoudre. Je pense cependant que point n’est besoin de poursuivre et que ces quelques lignes (oui, je sais, j’explose la taille réglementaire d’un écran) prouvent à quel point cette langue est présente dans la nôtre. Peut-on imaginer un cours d’histoire médiévale, à l’Université, sans un mot de latin? Que dire alors de l’histoire antique? Tout cela est tout bonnement impossible. Nous avons, tous, besoin d’un minimum de connaissances en latin, et pas uniquement d’un vernis prêt à se craqueler, comme sur ces fragiles peintures, ces ecce homo, ou pieta, ou corbeilles de fruit qu’il faut parfois faire restaurer.

Cependant, si de lege, constatant de visu que nous  sommes contraints à ce nouveau repli du latin face à la marée montante du monde contemporain, il nous faudra nous résoudre à cela. Viendra alors l’heure de la résistance. Manier quelques mots de la langue de Cicéron sera signe de reconnaissance, on saura alors que l’on appartient au groupe de ceux qui refusent, au groupe de ceux qui, contre vents et marées maintiennent. Ce ne sera pas un village d’irréductible, non, ce sera bien plus…