Pour ouvrir cette enquête sur le port de l’uniforme dans les établissements scolaires par ceux qui l’ont porté, un premier témoignage : celui d’une retraitée de l’Education Nationale ! (comme quoi, l’uniforme mène à tout !)
“Oui, j’ai connu l’uniforme entre 1954 et 1957, au Lycée Balzac à Tours (en seconde, première, et terminale) et je vous en parlerai en replaçant dans l’Histoire, mais avant cela, voici ce que je pense de ce retour à l’uniforme en 2011…
C’est un gadget qui serait risible s’il n’était pas fait pour cacher des problèmes autrement inquiétants. Non, le port de l’uniforme ne résoudra pas les problèmes d’inégalité entre les élèves. Je crois plutôt que chaque établissement en fera « sa marque » pour que l’on puisse les comparer, alors que l’égalité est inscrite dans la devise de la République, et non pas dans un vêtement.
Voici mon témoignage personnel, sachant que l’époque n’est pas la même et que toute comparaison avec aujourd’hui est impossible. Pendant les cours, au lycée, on portait une blouse (bleue ou rose selon les semaines). Cela n’avait rien de choquant ni d’extraordinaire. A l’époque, on protégeait les vêtements qu’on lavait beaucoup moins souvent qu’aujourd’hui. Pas de marques, seulement des qualités différentes, selon les milieux sociaux.
Mais, déjà, on contestait, en s’amusant, ce qui nous était imposé. Je me souviens d’une anecdote : une copine, douée d’un bon coup de crayon, avait dessiné dans le dos de ma blouse (rose) le lapin fétiche de l’époque (Bunny, je crois). Grosse colère de la surveillante générale ! Je change ma blouse de sens, le lapin se trouve devant et ne distraira pas mes camarades… Résultat : collée !
On faisait de même pour la coiffure : on trouvait la plus originale. Si on recherchait l’originalité, c’est que, sans doute, l’uniformité nous gênait ! Pourtant je dois préciser que tout cela n’était qu’un jeu et que nous étions heureuses d’être là, de pouvoir faire des études, de pouvoir passer le bac.
Un peu d’histoire… Parce que l’explication passe toujours par l’Histoire
A cette époque là, le collège (6è, 5è, 4è, 3è,) était réservé aux enfants de la « bourgeoisie ». En province, en secteur rural, les enfants d’ouvriers, d’artisans, de commerçants, de paysans allaient au “cours complémentaire”». Là, c’étaient la mixité, la liberté : pas d’uniforme. Par contre, les élèves sortaient presque tous en fin de 3ème, après le BEPC (votre Brevet des Collèges actuel).
Ceci explique qu’avec mes copines de Lycée, toutes issues de Cours Complémentaires, parce toutes filles d’ouvriers, d’artisans, de paysans, de commerçants : en somme, toutes issues de milieux sociaux peu aisés, voire défavorisés, nous étions heureuses (et fières !) de nous retrouver en Lycée aux côtés de élèves filles de bourgeois … quitte à supporter l’uniforme ! Nous faisions des études (en tant que boursières), alors que notre milieu ne nous y prédestinait pas !
L’uniforme de sortie, au lycée Balzac de Tours était : manteau bleu marine, béret, écharpe bleu-natier. Pas mal, mais c’était la marque de l’établissement et, à mon avis, ce n’était pas fait pour résoudre les inégalités, mais pour qu’on identifie l’établissement quand on sortait dans la rue !
On ne rentrait dans nos familles que tous les 15 jours (si on n’était pas collée !!!), les promades dans Tours se faisaient en rang par deux et en uniforme : ainsi, les gens voyaient que c’était le lycée Balzac, c’était le rôle de l’uniforme !”
Nicole Dibot, enseignante retraitée.