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Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 16-10-2013
Voici l’article composé voici deux ans par les élèves d’option media, à l’issue d’une rencontre avec Ida Grinspan…

Elle n’a pas pleuré…

Les élèves de la classe media du collège George Sand à la rencontre de l’Histoire… Magnifique rencontre avec Ida Grinspan, rescapée d’Auschwitz.

 

Le mercredi 14 mars 2012, notre classe media du collège George Sand a eu la chance d’être invitée par le collège de Vouneuil/Vienne pour écouter le témoignage de la rescapée d’Auschwitz, Ida Grinspan. Tous les élèves de 3ème du collège de Vouneuil étaient présents. C’était très intéressant d’écouter son témoignage, de savoir comment s’est passée sa vie dans le camp de concentration et comment elle a survécu.

Qui est Ida Grinspan ?

Ida Grinspan est née à Paris. C’était une enfant juive qui ne pratiquait pas sa religion. Ida Grinspan nous l’a dit,  elle nous a avoué qu’elle a même eu  la chance d’être née en France car en France, il y avait la liberté d’expression et il y avait aussi une démocratie. Elle était très heureuse en France. En 1939, les troupes Allemandes ont envahi la France. Donc, les parents d’Ida ont décidé pour son bien de la réfugier (elle insiste : elle n’était pas cachée) à la campagne à cause des risques de bombardements. Donc Ida va à la campagne, près de Niort. La nourrice d’Ida l’a accueillie à bras ouverts, comme le village où elle a été refugiée. Les habitants de ce petit village n’ont jamais fait aucune réflexion sur sa religion.

Dans cette campagne, les Allemands venaient se ravitaller. Il n’y avait pas de couvre-feu. En juillet 1942, Ida reçoit une lettre de son père par la poste, le père d’Ida a appris à sa fille, que sa mère avait été déportée, en Allemagne, croyait-il. Pour Ida c’est le ciel qui lui tombe sur la tête : elle n’avait que douze ans.  Le 16 juillet, la rafle du Vel d’Hiv’, lors de laquelle sa mère a été arrêtée, les hommes, les femmes et les enfants ont été concernés et arrêtés. La mère d’Ida ne croyait pas aux arrestations des enfants et des femmes, donc elle est restée chez elle en ne croyant pas que des gendarme viennent l’arrêter. Son mari et son fils s’étaient cachés : ils ont échappé à la rafle.

Ida le dit, il y a une élegante solidarité dans le fait d’accueillir des enfants réfugiés à la campagne : ces gens ont eu le courrage d’héberger des enfants juifs. C’était dangereux : on les appelle aujourd’hui des Justes.

La nuit du 30 janvier 1944,  c’est là où tout bascule pour Ida : c’est un dimanche soir, à minuit quinze, trois gendarmes viennent chercher Ida pour la déporter. Les trois brigadiers menacent de prendre le mari de sa nourrice qui l’héberge. Pour Ida, c’est impensable qu’ils prennent son mari car Alice et lui l’ont acceptée comme elle était, donc c’était inimaginable : elle se livre aux trois brigadiers. Il l’ont directement embarquée dans une voiture noire, ils l’ont enmenée en direction de la gendarmerie. Le capitaine interrogeait Ida pour savoir l’adresse où son père s’était refugié. Elle n’a pas dénoncé son père. Elle est emmenée à Niort avec 58 autres personnes qui ont été arrêtées cette nuit-là. Il y avait 20 policiers pour garder 58 personnes.

On emmène les juifs vers Drancy, à Paris, dans un camp d’internement, un camp de transit.  Les policiers essaient de rassurer les gens qui ont été déportés, ils font croire qu’il reverront leur famille : Ida le croit, elle conservera jusqu’à Auschwitz ses provisions, qu’elle ne mangera pas, pour les donner à sa mère…

Océane P.

L’arrestation d’une dangereuse terroriste ?

Jeudi, le lendemain de la conférence d’Ida, lors d’un atelier de travail, au Centre Régional Résistance et Liberté de Thouars, nous avons pu étudier le fac-similé du procès verbal de l’arrestation d’Ida : elle a été arrêtée pour des motifs stupides, sans doute fictifs. Un acte de sabotage avait été commis, il n’y a aucune preuve, aucun lien avec Ida, mais des centaines de personnes ont été arrêtées, toutes juives. Dont Ida.

Laura.

De Drancy à Auschwitz

Après son arrestation à Niort, Ida et 1500 autres juifs qui ont séjourné trois jours à Drancy sont amenés à la gare de Bobigny. Là, ils sont « livrés » par les gendarmes français aux soldats allemands : c’est ce qu’Ida précise. Ils ont été entassés comme des animaux dans des wagons à bestiaux : les wagons étaient tellement remplis qu’ils ne pouvaient ni s’asseoir, ni bouger, et devaient faire leurs besoins dans une tinette. Trois jours et trois nuits infernaux allaient s’ensuivre. Ida nous explique que la première humiliation, avant Auschwitz, a été de devoir faire ses besoins devant tout le monde. Quand la tinette, remplie, s’est renversée, la puanteur a été épouvantable. La nourriture manquait, la fatigue se faisait sentir. Tous pensaient que rien ne pourrait être pire que ce voyage. Le quatrième jour, le train finit par s’arrêter : le long voyage est enfin terminé. Un soulagement pour tout le monde.

Ida nous confie que la suite est impensable : personne n’arait pu imaginer que des hommes fassent à d’autres hommes ce que les nazis ont fait subir aux juifs. Simplement pour leur religion !

Fanta et Aminata

Un témoignage direct d’une expérience des camps de concentration

Durant cette rencontre, Ida nous a raconté sa vie d’enfant juive réfugiée non loin de Niort, et son arrestation par les gendarmes français,  son transfers vers une destination inconnue, dans des wagons à bestieux et l’arrivée à Auschwitz. Elle a également conté les conditions de survie à Auchwitz, ainsi que son retour de déportation. Et elle précise, ainsi que le mentionne le titre de son autobiographie, qu’elle n’a pas pleuré. Son témoignage a été vraiment émouvant car ce qu’elle a vécu est vraiment horrible et touchant. Mais pourtant, tout au long de son témoignage, elle a été souriante, malgré tous les mauvais souvenirs qu’elle a racontés, c’est vraiment une  » Dame courageuse « .

Durant toute la séance, toutes les élèves de notre classe ont été attentives car ce qu’elle nous a raconté était à la fois émouvant et passionnant. Surtout qu’elle nous a vraiment bien raconté tout cela. Ca reste une très belle rencontre…

Imène

Ida Grinspan nous a expliqué comment s’étaient déroulées les rafles, son entrée dans le camp, les atrocités auxquelles elle (et tous les Juifs) étaient confrontés.

Je l’écoutais vraiment attentivement et j’ai été vraiment touchée quand elle parlait de quand sa mére avait été déportée à Auschwitz parce que je m’imaginais à sa place et je n’aurais jamais pu être aussi forte qu’elle l’a été …

Au cours de la conférence, je l’ai dessinée et elle avait l’air très contente lorsque je lui ai fait voir le résultat, elle était très souriante . Elle a signé mon dessin… J’ai été très contente de pouvoir assister à la sortie.

Wassila

L’histoire d’Ida

Dès l’âge de 11 ans et demi, Ida Grinspan a été séparée de sa famille et plus particulièrement de sa mère. Puis à 12 ans, elle apprend par une lettre de son père que sa mère a été rafflée le 16 juillet 1942 et déportée en Allemagne. Elle n’apprendra que plus tard que sa mère est morte à Auschwitz. Nous, on ne pourrait pas être aussi forte et courageuse qu’Ida l’a été.

Lorsque les gendarmes sont venus pour la chercher à son tour, sa nourrice lui avait préparé des vivres pour quelques jours. Ils lui ont fait croire qu’elle  allait rejoindre sa mère. Elle a donc conservé ses vivres pour les donner à sa mère mais en arrivant à Auschwitz, les S.S. lui ont ordonné à elle et à tous les autres de lâcher dans la neige toutes leurs affaires, y compris sa nourriture. Ca a été un tel déchirement pour elle…. D’autant plus, que c’est grâce à sa mére qu’elle a pu échapper à la chambre gaz car, grâce à la coupe de cheveux qu’elle lui avait appris à faire, elle paraissait un peu plus âgée et donc apte à travailler dans le camp et, surtout, à survivre.

Wassila et Imène.

Ida répond aux questions des élèves du collège de Vouneuil

Comment vit-on après Auschwitz ?

Ida :  On ne vit pas après Auschwitz, on vit avec Auschwitz ».

Pouvez-vous pardonner aux allemands ?

Ida :  Pardonner aux allemands ? Aux nazis ? Attention à ne pas faire l’amalgame, il y a eu des résistants parmi les allemands. Les Nazis nous ont-ils, eux, demandé pardon ? Non. J’attends que l’on me demande pardon.

Que ressentez-vous quand vous retournez à Auschwitz pour témoigner ?

Ida : Birkenau est le plus grand cimetière du monde. Un cimetière sans sépultures. Et c’est là que sont morts mes parents. Y retourner est troublant.

Regrettez-vous quelque chose ?

Ida : Pendant mon arrestation, un gendarme a dit « quel sale boulot » : je n’ai pas eu le réflexe de lui répondre : « alors, pourquoi le faites-vous ? »

Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser que vous étiez dans un camp d’extermination ?

Ida : J‘ai réalisé peu de temps après mon arrivée au camp que c’était des êtres humains que l’on brûlait dans les fours crématoires car la fumée des fours revenait sur nous pendant les appels … Comme je n’avais pas de famille dans le camp, j’ai pu admettre vite que nos compagnons de voyage avaient fini dans les fours crématoires.

Que se passe-t-il quand vous arrivez à Auschwitz ?

Ida : Quand on arrive, on nous fait entrer dans une baraque à deux ouvertures : d’un côté, vous entrez , de l’autre, vous sortez. Vous venez de France, un pays civilisé, vous venez de la liberté. Puis on vous ordonne de vous déshabiller, on vous fait peur, on vous rase, on vous tatoue, on vous donne une étoile jaune. Quand vous sortez par l’autre ouverture de la baraque, vous êtes un numéro de matricule, vous avez perdu votre identité, votre féminité, votre humanité : la soupe, c’est une gamelle pour cinq, qui’l faut laper en l’absence de cuillère.

Combien de survivants dans votre convoi ?

Ida : Notre convoi comptait 1500 déportés. En 1945, à la libération du camp, 59 avaient survécu.

Vous sentez-vous juive ?

Ida : On aurait pu me baptiser, cela aurait étté pareil : je me sentirais juive. Cela n’aurait rien changé.

Qu’est-ce qui vous a permis de tenir, dans le camp ?

Ida : Je ne sais pas. J’ai été internée onze mois, avec la seule ration du camp, pas de privilèges. La chance a toujours été là, et j’ai toujours été une battante. On n’a pas donné à tout le monde la chance de survivre, il faut le dire. Au camp, nous étions des sursitaires, certains mouraient de fatigue, de faim, de maladie, des sélections…

Quels travaux vous a-t-on fait faire, à Auschwitz ?

Ida : J’ai été successivement dans un kommando de pierres dans un chantier : un travail absurde car harrassant et inutile puisqu’on déplaçait des pierres un jour pour les replacer le lendemain. Un kommando de tri de pommes de terre, qu’on n’a jamais mangées ! Un kommando dans une usine d’armement, où on avait moins froid (le froid était notre pire ennemi), et où des détenues françaises nous ont appris que la guerre finissait et que « l’Allemagne était foutue ».

Comment vit-on après Auschwitz ? Avec un tatouage ?

Ida : Mon tatouage, mon numéro de matricule, je ne le vois pas, je ne le regarde pas : de toutes façons, on ne vit pas après Auschwitz, on vit avec Auschwitz. A chaque instant un flash peut me revenir : quand je croise une fille trop maigre, je me dis encore « tiens, celle-là, elle n’aurait pas passé la sélection ». Quand je vois des gens se comporter en égoïstes, de façon brutale, je me demande s’ils auraient su, à Auschwitz, rester dignes et se montrer solidaires.

Votre réaction après la Libération ?

Ida : J’étais dans l’avion qui nous rapatriait en France, quand on nous a dit qu’on survolait la France, on a senti la libération, vraiment : c’est une sensation que je n’oublierai pas, même si je vis 120 ans !

Un regret ?

Ida : Je n’ai pas pu faire d’études. Pour notre génération, on n’avait rien prévu, seulement pour ceux qui passaient le bac. Alors, j’ai fait un métier qui ne me plaisait pas. J’ai fait de la confection.

Propos recueillis par Stella et Océane L.

Une autobiographie

J’ai pas pleuré, écrit en 2003 par Ida Grinspan en collaboration avec Bertrand Poirot-Delpech, est un roman autobiographique dans lequel Ida Grinspan narre une période importante de sa vie. Elle y raconte son combat, la survie d’une jeune juive française pendant la seconde Guerre Mondiale, une jeune fille qui fut chanceuse dans son grand malheur. A travers des anecdotes, elle raconte ce qu’elle a enduré, ses craintes, ses peines, ses pensées d’une maturité remarquable pour son jeune âge -à l’époque. Avec justesse et sans éxagérations, on voit la guerre avec un autre  regard.

J’ai lu ce livre qui est raconté de telle sorte qu’on peut vraiment se mettre à la place d’Ida. On ne peut s’empêcher d’envier son courage sans bornes, très peu auraient su faire face à l’indicible qu’elle nous raconte.

Océane.L

Ida, une petite femme, mais une grande dame

Ida Grinspan nous a raconté son histoire avec émotion, de la tristesse, mais aussi de l’humour. Elle a glissé à travers son discours des phrases qui ont fait redescendre l’émotion . Ces phrases nous ont bien faire rire : « Les Américains nous ont passé du chocolat, mais c’était pas du Lindt ».

Ou encore, elle nous explique que les soldats Américains étaient grands, beaux et forts mais que les Russes, eux, étaient petits et pas très beaux. Tout cela avec le sourire.

Nous avons pu parler et rire avec elle. Ida a une joie de vivre énorme, elle n’a jamais baissé les bras. Merci à Ida Grinspan de nous avoir fait partager son histoire avec tant d’émotion.

Alyssia

photo ida grinspan n'a jamais cessé de témoigner contre l'oubli © marie delage

(photo Marie Delage pour Le Courrier de l’Ouest)

Quel bel hommage à celle qui, depuis des années, se déplace dans les écoles, les collèges et les lycées pour témoigner de ce qu’elle a vécu pendant la guerre : une adolescente juive déportée à Auschwitz, revenue de l’enfer après onze mois de détention, dans les conditions qu’on connaît.

Ida, rencontrée lors d’un voyage en Pologne, avec une classe de 3ème du collège George Sand, en 2007 (M. Bassereau s’en souvient lui aussi), et revenue témoigner auprès de nos classes de 3èmes les années suivantes, sur l’invitation d’Ivan Colin, un de nos collègues d’Histoire aujourd’hui expatrié à Vouneuil sur Vienne,  est une grande petite dame (parce qu’elle est de petite taille !) au sourire et à l’humour pétillants. Cette photo lumineuse ne triche pas : Ida, c’est bien ce visage. Et je suis heureuse pour elle de cette distinction (même si je pense qu’Ida n’attendait pas de distinction !) qui est un remerciement pour sa façon de dire à nos adolescents : “écoutez ce que des hommes ont été capables de faire à d’autres hommes, par haine”. De haine, elle-même n’en a pas, pas même pour les bourreaux qui ont assassiné sa mère, son père… Ou alors, cette haine qu’on pourrait juger normale s’est transfigurée en force pour témoigner contre l’oubli : et pour assumer une mission, celle de transmettre la mémoire d’un peuple victime de la barbarie nazie. Simplement, avec honnêteté, dans le soucis du devoir de vigilance.

Nos anciens zélèves pourraient témoigner à leur tour, eux qui ont eu la chance d’entendre Ida, mieux, ceux qui ont eu la chance de passer trois jours avec elle à Cracovie : ceux-là s’étonnaient de la bonne humeur, de la gentillesse, et de l’humour de cette “grande petite dame”.

Les autres peuvent lire le récit d’Ida : J’ai pas pleuré, disponible en plusieurs exemplaires au CDI. Attendez, peut-être, d’avoir  étudié en Histoire la seconde guerre mondiale, vous comprendrez mieux les événements qui ont mené Ida dans ce camp si tristement célèbre : Auschwitz.

Et pour celles et ceux qui voudraient relire les articles publiés sur Ida dans ce Torchon,  il n’est rien de plus facile : menez une recherche en tapant “Ida Grinspan”…. Bonne lecture à vous.

Et félicitations à Ida pour ce symbole de la reconnaissance de la part de l’Education Nationale.

14 OCTOBRE 2013 |  PAR RESF (Réseau Ecole Sans Frontière)

Mme Dibrani et ses 6 enfants ont été expulsés  mercredi  9 octobre au matin vers le Kosovo. Ils habitaient un appartement à Levier (Doubs) qu’ils occupaient dans le cadre de la prise en charge des demandeurs d’asile du DLHD.

            M. Dibrani était depuis fin août retenu au centre de rétention de Strasbourg. Assigné à résidence, il a été arrêté à Mulhouse. Son expulsion programmée 2 fois a été repoussée jusqu’à mardi 8 octobre au matin.

            Après cette expulsion, le mardi soir Mme Dibrani a réaffirmé son vœu de rester en France pour l’avenir de ses enfants malgré l’angoisse qu’elle ressentait à l’idée d’être seule avec sa famille. Les enfants qui ont entre 5 et 17 ans étaient scolarisés depuis plus de 3 ans, ils étaient en France depuis presque 5 ans (4 ans et 10 mois), autrement dit, dans deux mois, ils entraient de plein droit dans le cadre dela circulaire Valls et pouvaient être régularisés. Le mardi soir avant l’expulsion la mère était perdue, les enfants attendaient et Hasan, l’avant dernier âgé de 5 ans, recopiait des lettres apprises à l’école agenouillé au-dessus d’un carton.

            La plus petite Médina est âgée d’un an, elle est née en France. Tous les enfants parlent parfaitement le français. Maria et Leonarda ont obtenu le DELF diplôme de français niveau B1 demandé par la préfecture pour obtenir la nationalité française. Après ses années de collège, Maria a fait cette année sa rentrée au lycée Toussaint Louverture en première année de CAP service. Son professeur de français souligne sa volonté et son enthousiasme. Dans le petit sac de sport qu’elle a pris le matin de l’expulsion, elle a emporté son costume de travail.

            Leonarda, scolarisée en 3ème DP3 (option découverte professionnelle) au collège André Malraux, n’était pas chez elle ce matin là. Les professeurs de la classe avaient organisé une sortie à Sochaux sur toute la journée avec un départ à 7h00. Pour être à l’heure, elle ne pouvait pas prendre le bus de son domicile. Elle a donc dormi chez une amie à Pontarlier. Les policiers ont été renseignés sur l’endroit où elle se trouvait. Le maire de Levier a appelé Léonarda et a demandé à parler à un professeur présent dans le bus, elle a transmis son téléphone à Madame Giacoma, professeur d’histoire-géographie-éducation civique au collège Malraux.

 Mme Giacoma : «je n’ai pas compris tout de suite ce qui se passait, j’ai cru que c’était la mère de Léonarda qui voulait être rassurée et en fait, c’était  le maire  de Levier, commune de résidence de Léonarda, qui m’a précisé qu’il savait que nous nous rendions à Sochaux et il me demandait expressément de faire arrêter le bus. Dans un premier temps j’ai refusé en précisant que ma mission était d’aller à Sochaux avec tous les élèves inscrits pour cette sortie pédagogique (visite de lycées + visite de l’usine Peugeot). Le maire de Levier, Albert Jeannin, m’a alors passé au téléphone un agent de la PAF qui était dans son bureau : son langage était plus ferme et plus directif, il m’a dit que nous n’avions pas le choix que nous devions impérativement faire stopper le bus là où nous étions car il voulait récupérer une de nos élèves en situation irrégulière : Léonarda Dibrani cette dernière devait retrouver sa famille pour être expulsée avec sa maman et ses frères et soeurs ! Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas me demander une telle chose car je trouvais ça totalement inhumain …  il m’a intimé l’ordre de faire arrêter le bus immédiatement à l’endroit exact où nous nous trouvions, le bus était alors sur une rocade très passante, un tel arrêt aurait été dangereux ! Prise au piège avec 40 élèves,  j’ai demandé à ma collègue d’aller voir le chauffeur et nous avons décidé d’arrêter le bus sur le parking d’un autre collège (Lucie Aubrac de Doubs). J’ai demandé à Léonarda de dire au revoir à ses copines, puis je suis descendue du bus avec elle, nous sommes allées dans l’enceinte du collège à l’abri des regards et je lui ai expliqué la situation, elle a beaucoup pleuré, je l’ai prise dans mes bras pour la réconforter et lui expliquer qu’elle allait traverser des moments difficiles, qu’il lui faudrait beaucoup de courage… Une voiture de police est arrivée, deux policiers en uniforme sont sortis. Je leur ai dit que la façon de procéder à l’interpellation d’une jeune fille dans le cadre des activités scolaires est totalement inhumaine et qu’ils auraient pu procéder différemment, il m’ont répondu qu’ils n’avaient pas le choix, qu’elle devait retrouver sa famille…Je leur ai encore demandé pour rester un peu avec Léoanarda et lui dire au revoir (je la connais depuis 4 ans et l’émotion était très forte). Puis j’ai demandé aux policiers de laisser s’éloigner le bus pour que les élèves ne voient pas Léonarda monter dans la voiture de police, elle ne voulait pas être humiliée devant ses amis ! Mes collègues ont ensuite expliqué la situation à certains élèves qui croyaient que Léonarda avait volé ou commis un délit. Les élèves et les professeurs ont été extrêmement choqués et j’ai du parler à nouveau de ce qui s’était passé le lendemain pour ne pas inquiéter les élèves et les parents.»

             Lorsque la famille est partie, nous avons essayé de joindre par mail la préfecture fermée le mercredi matin. Mais la famille a été emmenée directement à l’aéroport pour prendre un avion à 13h00 le même jour. Nous avons eu au téléphone les deux filles Maria et Leonarda jusqu’au départ de l’avion.

             Nous, professeurs du collège André Malraux et du lycée Toussaint Louverture, sommes profondément choqués par les méthodes utilisées pour renvoyer des enfants issus de la minorité rom vers des pays qu’ils ne connaissent pas et dont ils ne parlent pas la langue.

            Nous, professeurs du collège André Malraux et du lycée Toussaint Louverture, sommes choqués de voir comment les efforts d’intégration fournis par ces enfants à l’école sont réduits à néant par des politiques aveugles et inhumaines.

             Nous demandons le retour immédiat des enfants en France pour leur sécurité.

                                                                     Enseignants du collège André Malraux et du lycée Toussaint Louverture

 

Oct
16
Classé dans (Le vendredi, c'est journalisme !) par Agnès Dibot le 16-10-2013

Longtemps, j’ai haï les dimanches : ces interminables journées s’étirant mollement, avec une lenteur effarante, entre le café-croissant de l’aube (eh oui, quand on se lève à 5 heures en semaine, l’horloge biologique nous réveille à 5 heures le dimanche itou) et le journal télévisé de Laurent Delahousse (Ouf : il met une cravate pour le 20 heures, parce que, pour présenter le 13  heures, il ne la porte pas : Laurent Delahousse est un excellent indicateur de la conception du dimanche, jour chômé), en passant par le repas en famille et la promenade digestive en forêt, ces interminables journées, disais-je, m’ont pendant des années été douloureuses. Une torture : adolescente, le néant s’ouvrait devant moi chaque dimanche matin. Une ville déserte, sans animation : impossible de CONSOMMER ! Mais, avec le recul, c’étaient des journées douces nécessaires à l’épanouissement. S’ennuyer aide à grandir. C’étaient de longs dimanches de lecture ou d’écriture !

Plus tard, à l’âge adulte, les dimanches se sont mués en longues journées de corrections de copies, de préparations de cours pour ces chères têtes pas si blondes… Aujourd’hui, les dimanches sont un espace de pause, de respiration : 24 heures de farniente (il suffit de corriger ses copies le mercredi après-midi, et le tour est joué !), 24 heures offertes à l’esprit et au corps pour un repos bien mérité : avec le temps, ces deux-là ont un réel besoin d’être choyés. Avant le rush du lundi matin. Disparu, le blues du dimanche soir : il suffit, pour apprécier le dimanche, d’être en bonne compagnie, et de profiter du bonheur de ces heures sans obligation de rendement. “C’est dimanche” : on prend le temps de vivre.

Non ?

Interviewons  un salarié…

Êtes-vous pour où contre le travail le dimanche ?

– Contre.

– Pourquoi ?

– Eh bien parce que je pense que la société ne doit pas penser qu’au travail et doit réserver des moments pour la famille ; sauf pour certains secteurs d’activité, je pense qu’il n’est pas nécessaire de généraliser le travail du dimanche.

– Ce n’est pas encore généralisé, ce serait sur la base du volontariat :

– Le volontariat, c’est un faux argument parce que tous ceux qui ne sont pas “volontaires” sont mal vus par leur direction, qui exerce des pressions pour les contraindre à venir. De plus, les fameux volontaires, leur but n’est que de gagner plus d’argent. Or, si on augmentait leur salaire, ils n’auraient plus besoin de travailler le dimanche. A cela il faut ajouter que, si le travail le dimanche est généralisé, on nous dira bientôt que le dimanche est un jour comme les autres et il ne sera plus majoré.

– Comment feraient les gens qui souhaiteraient aller faire leurs courses le dimanche ?

– Comment ils feraient ? Lol mais comme depuis des années, ils iraient un autre jour de la semaine. Parmi tous ceux qui vont dans les magasins le dimanche, la plupart ne sont pas volontaires  pour travailler cette journée là. Si le travail le dimanche était généralisé à tous les secteurs d’activité, certains de ceux qui vont dans les magasins ne pourraient plus s’y rendre car ils seraient obligés de travailler cette journée.

– Et vous, allez vous dans les magasins le dimanche ?

Jamais ! D’ailleurs j’aimerais préciser que ceux qui souhaiteraient actuellement aller dans les magasins le dimanche ont depuis des années réussi à faire leurs achats sans problème un autre jour de la semaine.

– L’ouverture des magasins le dimanche peut aider à la relance du pouvoir d’achat, pour ou contre ?

Ça ne changera absolument rien car les ménages qui ont une somme d’argent à dépenser, eh bien, qu’ils la dépensent le dimanche ou un autre jour de la semaine, ils ne dépenseront pas plus qu’ils ont sur leur compte en banque. Les dépenses effectuées le dimanche ne sont qu’un transfert d’argent et d’achats qui auraient été effectués un autre jour de la semaine.

– Donc, apparemment,  vous êtes contre le changement de la loi pour que l’on donne la liberté de travailler et d’ouvrir les magasins le dimanche ?

– Pour répondre, je citerai Henri Lacordaire « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

Propos recueillis par Lenny Jude