Avr
05

Séance frissons à l’atelier philo ce jour : on aborde un thème cher à la philosophie, et donc à nos petits (et grands) philosophes : la mort.

Lenny, Thomas, Alexandre, Nicolas et Julien sont parés pour la grande interrogation, le Graal de l’humanité : “pourquoi la mort nous fait-elle vivre ?”

Non, la philosophie du jeudi, ce n’est pas tiré par les cheveux, vous allez voir… Lisez. Notre philosophe débute la séance en nous rappelant l’anecdote de Bergson : ce soldat qui, parce qu’il croit qui’l sera fusillé dans les secondes qui suivent, voit sa vie défiler à la recherche d’un indice lui apportant une solution à son problème. En vain : il va mourir. Son problème est insoluble.

Philosophe : Qu’évoque, pour vous, le mot “mort” ?

Nicolas : La fin.

A. Dibot : La peur. Et l’injustice de mourir quand les autres continuent à vivre.

Philosophe : On peut se rassurer en posant une définition scientifique : la mort est l’arrêt de l’organisme, du coeur… mais, en tant qu’êtres humains, qu’évoque pour vous l’idée de la mort ?

SILENCE… De mort…

L. Mastorgio : L’hypothèse spirituelle d’une vie après la mort est rassurante. La mort ne serait qu’un début.

Philosophe : Oui, parce que la mort sans cette hypothèse est une émotion triste.

Nicolas : On ne sait pas ce qui va se passer après.

Philosophe : On a peur face à l’inconnu. On a peur de ce qu’on ne connaît pas. Quelles solutions avons-nous pour contrer cette peur ?

Lenny : Le paradis ? L’enfer ?

Philosophe : C’est une notion religieuse. Les philosophes détruisent cette notion de paradis : démonstration. Tel que nous le concevons, le paradis est crée à partir d’éléments que nous connaissons, un jardin, des fruits, les autres hommes. Le bonheur. Les dieux. Ou le Dieu. Mais cette notion ne tient pas la route, si nous retrouvons tout ce qu’on connaît, notamment les hommes !  L’après-mort est une transposition de ce qu’on connaît du monde vivant. On a construit un inconnu à partir de ce qu’on connaît. Cela n’est pas définir l’inconnu.Dans la représentation populaire, le Dieu est un homme parfait, il a des qualités humaines.

Lenny : Plus la puissance.

Nicolas : Plus l’immortalité.

L. Mastorgio : Pire : l’éternité. Reprenez votre programme de sixième : les dieux grecs y figurent comme ayant autant de défauts que les hommes, ils sont menteurs, trompeurs, jaloux…

Philosophe : L’inconnu demeure pour ceux qui n’ont pas la foi. Est-ce négatif ? Positif ?

Lenny : C’est péjoratif.

Nicolas : Ou positif, on ne sait pas.

Philosophe : Soyez sages, laissez de côté l’après-mort. Considérez en quoi elle peut être positive.

Lenny : Quand on meurt, on est libre.

A. Dibot : On est libre, parce que mortel. On vit le jour comme s’il était le dernier car on a la conviction qu’on va mourir.

Lenny : Ca nous permet de savourer le moment présent.

A. Dibot : Et de faire des choix.

Philosophe : Oui, on construit sa vie. Imaginez qu’on soit immortel.

Nicolas : On ne s’occuperait pas de faire les choses, on les remettrait au lendemain.

Philosophe : Oui, c’est le syndrome du parisien et de la Tour Eiffel : il reporte sa visite car il a le temps d’aller la voir. Il ne la visite jamais.

Julien : ca nous lasserait.

L. Masotrgio : Desproges disait : “l’éternité, c’est long, surtout vers la fin”.

Thomas et Alexandre (les grands esprits se rencontrent !) : Ce serait le Chaos.

Philosophe : On se sentirait tout puissant.

Nicolas : On ne pourrait pas imposer une loi.

L. Mastorgio : Chaque moment d’existence sert à préparer le suivant.

Philosophe : L’existence est un rêve limité : par la naissance, et par la mort. Le sage accepte la mort.

Ceci dit, assez bavardé : lisons Heidegger, le plus jeune des philosophes rencontré depuis l’inauguration de cet atelier, puisqu’il a vécu au 20ème siècle. Selon Heidegger, nous sommes des “étant”. Nous sommes “en train d’être”, “être-pour-la-mort”. Complexe, Heidegger ?? Un chouillas… Il envisage la mort comme une dette : pour vivre, il faut accepetr de mourir. Nous sommes donc un “être-pour-la-fin”.

L. Mastorgio : Nous contenons en nous notre propre mort.

Philosophe : L’homme est déterminé par le fait qu’il va mourir. A la différence de l’animal, qui se cache pour mourir.

A. Dibot et L. Mastorgio (décidément, les grands esprits se seront rencontrés) : Comme dans le film coréen (japonais ?) La ballade de Narayama : ce sont les vieillards qui, sentant la mort approcher, quittent les hommes et vont mourir, seuls, sur la montagne.

Philosophe : A votre âge, à 13 ans on n’est pas préoccupé par notre propre mort. Vous verrez, en mûrissant, cette question va prendre plus de poids  en se posant à vous. Leibnitz (un autre philosophe) disait s’étonner chaque matin de trouver quelque chose, et non du vide, dans l’existence.

A. Dibot : On pense toujours que la mort concerne les autres.

Philosophe : Oui, on dit “cela n’arrive qu’aux autres”. Heidegger dit : “on meurt”. Mais qui est “on” ? Etymologie du mot, dictionnaire : le pronom impersonnel “on” vient du latin “homo” : l’homme. Démonstration faite : ON est JE. On fuit la réalité désagréable de notre mort, on la rejette.

A. Dibot : On utilise souvent des euphémismes pour éviter de prononcer ce mot : “un tel est parti, nous a quitté, a disparu”, pour ne pas dire “un tel est mort”.

Philosophe : On atténue le sens de cette réalité. On fuit la mort au maximum. Sortez de ce “on” : assumez : dites “je vais mourir”.

Lenny : Tout le monde meurt ! Même moi…

Philosophe : La mort, c’est la fin, c’est la fin de “ma vie”. L’homme fuit cette réalité en se réfugiant dans le quotidien, les rituels quotidiens. On vient du néant, on s’oriente vers le néant : cela nous angoisse. Pourtant, la mort nous concerne et fait qu’on est ce qu’on est.

Thomas : peut-être sommes-nous, maintenant, morts et en train de rêver, ce serait notre mémoire qui défilerait devant nous ?

Philosophe : Cela ferait une très bonne idée de film !

Nous nous quittons sur cette idée : Thomas pourra la breveter.