Avr
08
Classé dans (Le jeudi, c'est cinéma !) par la Vieille Garde le 08-04-2012

“Bientôt je serai loin de Versailles, bientôt je ne serai plus personne”, quelle admirable citation extraite de ce film, qui en éclaire une autre, historique celle-là, de Talleyrand, qui disait que ceux qui n’avaient pas connu Versailles n’avaient pas connu la douceur de vivre. Sofia Coppola avait eu l’insigne privilège de pouvoir tourner son Marie-Antoinette à Versailles, alors que d’ordinaire les scènes de cinéma censées se dérouler à Versailles se trouvaient filmées à Vaux le Vicomte. Benoît Jacquot, avec Les adieux à la reine a, lui aussi, eu cet honneur, on doit beaucoup aimer cette reine si décriée…

Dans ce film, que je qualifie d’admirable, Jacquot met en avant ses thèmes de prédilection, la fuite, l’étude du sentiment amoureux, voire de la sexualité, et s’entoure, comme toujours, de femmes, dont, à l’instar de Flaubert avec son Emma Bovary, il affirme qu’elles sont lui. La bande annonce met en avant, un peu trop à mon goût d’ailleurs, les amours saphiques, supposées, de la reine. Il est vrai qu’il s’agit là d’un des thèmes importants du film, mais pas le seul, bien que l’étude de cette spécificité amoureuse et des rivalités qui peuvent en découler, comme dans tout amour, soit fort bien abordée, en un temps finalement  court, de 1h40.

Le tournage à Versailles est un ravissement pour l’oeil, la langue est assez bien travaillée, les attitudes un peu moins, l’humanité du couple royal est, selon moi, forcée, mais peu importe. Ce sont 4 jours, du 14 au 17 juillets 1789, qui sont le support historique du film. Support assez ténu mais non occulté et bien renseigné au demeurant. Dans ce début de débâcle, les masques tombent, les amours se révèlent, s’exacerbent, confrontés à des ruptures imminentes. La tension émotionnelle est palpable, sa mise en scène splendide et intense. Les gestes esquissés ne sont rien face aux mots, preuve que l’intensité d’une relation peut aussi se mesurer à sa retenue. Les actrices servent fort bien leur rôle et la manière de filmer certaines séquences, à l’épaule, lumière ténue, rend parfaitement l’ambiance fantômatique qui devait alors regner et souligne l’errance de ces individus, maîtres ou valets, perdus face à la disparition de leurs repères.

Je suis sorti bouleversé et subjugué, j’envisage même de revoir ce film qui, certes, n’est pas un chef d’oeuvre, mais sait parfaitement faire vibrer en moi des cordes sensibles, celles de l’histoire, du XVIIIème, des amours impossibles, des ruptures, des élans lyriques et j’en passe. Pour autant, ce n’est ni un film historique, ni un film romantique, c’est tout cela, plus et moins à la fois, c’est d’une admirable complexité, d’une grande sensualité, d’une intense émotion, ce film réalisé par un homme, porté par des femmes, semble concilier les avantages des deux sexes, cela mérite bien d’être vu.